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Jean de La Fontaine est né en 1621 à Château-Thierry et mort en 1695 à Paris. Il est surtout connu pour ses Fables. En tant que fabuliste, La Fontaine fait partie de la grande famille des moralistes (écrivains qui décrivent et critiquent les mœurs de leur époque et développent, à partir de là, une réflexion sur les hommes). La Fontaine s’inspire des auteurs de l’Antiquité, notamment Ésope (fabuliste grec). Outre le métier d’auteur, La Fontaine a eu la charge de maître des Eaux et Forêts.

Cette fable intitulée par son auteur « Le Loup et le Chien » est la cinquième fable du premier recueil des Fables de La Fontaine publié en 1668 et correspondant au « Livre Premier » de nos éditions actuelles.


Edition de F. Chauveau, 1668 (orthographe originale) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8610825d/f70.item
Édition de J. J Grandville 1838-1840 (orthographe modifiée) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10479684/f70.item
L’orthographe utilisée dans les éditions actuelles des Fables de La Fontaine date du XIXe siècle. Voici à quoi ressemblait le texte original de la fable « Le Loup et le Chien » de La Fontaine : https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_de_La_Fontaine_(éd._Barbin)/1/Le_Loup_et_le_Chien
Manuscrit : nous n’avons pas trouvé la fable autographe « Le Loup et le Chien » mais nous mettons ici un manuscrit d’une autre fable de La Fontaine pour se rendre compte de son écriture : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b525103983/f11.item
Gravures : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10321802c.item
Enregistrement audio : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8838410m.media# (une écoute partielle seulement est possible sans abonnement).

1
Le Loup et le Chien
 
Un Loup n’avait que les os et la peau,
 
Tant les chiens faisaient bonne garde.
 
Ce Loup rencontre un Dogue aussi puissant que beau,
 
Gras, poli, qui s’était fourvoyé par mégarde.
 
L’attaquer, le mettre en quartiers.
 
Sire Loup l’eût fait volontiers.
 
Mais il fallait livrer bataille,
 
Et le mâtin était de taille
 
À se défendre hardiment.
 
Le Loup donc l’aborde humblement,
 
Entre en propos, et lui fait compliment
 
Sur son embonpoint, qu’il admire.
 
« Il ne tiendra qu’à vous, beau sire,
 
D’être aussi gras que moi, lui repartit le Chien.
 
Quittez les bois, vous ferez bien :
 
Vos pareils y sont misérables,
 
Cancres, hères, et pauvres diables,
 
Dont la condition est de mourir de faim.
 
Car quoi ? Rien d’assuré : point de franche lippée ;
 
Tout à la pointe de l’épée.
 
Suivez-moi : vous aurez un bien meilleur destin. »
 
Le Loup reprit : « Que me faudra-t-il faire ?
 
– Presque rien, dit le Chien, donner la chasse aux gens
 
Portants bâtons, et mendiants ;
 
Flatter ceux du logis, à son maître complaire :
 
Moyennant quoi votre salaire
 
Sera force reliefs de toutes les façons :
 
Os de poulets, os de pigeons,
 
Sans parler de mainte caresse. »
 
Le Loup déjà se forge une félicité
 
Qui le fait pleurer de tendresse.
 
Chemin faisant, il vit le col du Chien pelé.
 
« Qu’est-ce là ? lui dit-il. – Rien. – Quoi ? rien ? – Peu de chose.
 
– Mais encor ? – Le collier dont je suis attaché
 
De ce que vous voyez est peut-être la cause.
 
– Attaché ? dit le Loup : vous ne courez donc pas
 
Où vous voulez ? – Pas toujours, mais qu’importe ?
 
– Il importe si bien, que de tous vos repas
 
Je ne veux en aucune sorte,
 
Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. »
 
Cela dit, maître Loup s’enfuit, et court encor.


Jean La Fontaine
FablesLivre premier, fable V « Le Loup et le Chien »
1668