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Madeleine Riffaud est née le 23 août 1924 dans la Somme. Engagée dès ses 18 ans dans la Résistance, elle prend le pseudonyme de Rainer. Elle est arrêtée après avoir abattu un soldat allemand. Torturée puis condamnée à mort, elle échappe in extremis à la déportation, sauvée par une femme qui la fait sauter du train. Elle poursuit la lutte contre l’occupant nazi. Après la Libération, elle noue une grande amitié avec le poète Paul Éluard qui l’encourage à écrire. Madeleine Riffaud devient journaliste puis reporter de guerre : elle couvre notamment la guerre d’Algérie et la guerre du Vietnam. De retour à Paris dans les années 1970, elle travaille incognito dans un hôpital et, dans son ouvrage le plus connu, Les Linges de la nuit, elle raconte les conditions de travail difficiles et le manque de moyens révoltant dans les hôpitaux publics. Elle meurt le 23 août 2024.

Paru en 1994 pour le cinquantenaire de la Libération, On l’appelait Rainer est un ouvrage mêlant souvenirs et poèmes. Madeleine Riffaud nous révèle la vie quotidienne d’un groupe d’étudiants sous l’occupation nazie à Paris et ses propres agissements sous le nom de code « Rainer ». Ces souvenirs sont racontés à la troisième personne du singulier. Le poème « Les Clochers brûlés » est le deuxième poème de l’ouvrage, dans la première partie intitulée « Comment cette histoire a commencé ». Madeleine Riffaud retrace dans cette partie le début de la guerre et son séjour au sanatorium au cours duquel, encore mineure, elle décide de s’engager dans la Résistance.


Le premier volet d’une websérie d’animation consacrée à Madeleine Riffaud et à l’adaptation de sa vie en BD : https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000006158/madeleine-20-ans-resistante-1-le-choix-de-la-lutte.html
Un entretien en 2014 entre un journaliste et Madeleine Riffaud : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/g1168054_001_015/madeleine-riffaud-temoignage-d-une-resistante

Les Clochers brûlés
Les clochers brûlés par la guerre chaque jour chantent dans le vent. Leurs carillons sonnent éperdument et se répondent, d’un bout à l’autre de la plaine défoncée où perchent des corbeaux, sur des fils barbelés.
Hallucinées, les maisons éventrées me fixent de leurs fenêtres hagardes vides de reflets et par leurs portes béantes elles ont bien trop peur pour crier.
(De mes oreilles quelle musique chassera les cris des sirènes ? Quel baiser effacera jamais cet âcre goût de sang accroché à ma bouche ?)
La nuit, de jeunes morts inconnus prennent ma main dans leurs mains aux ongles pleins de terre. Ils ont de l’herbe et du sang dans les cheveux, et ils ont si froid !
Ne disent rien et me regardent. Attendent quelque chose de moi.
Au vert de l’aube ils se mêlent et le vent les emporte et je pleure de ne pas avoir compris et je tremble de les savoir là-bas, avec leurs casques troués, perdus dans cette plaine, sous la boue glacée.
Les clochers brûlés par la guerre, chaque soir, chantent dans le vent.

Madeleine Riffaud
On l’appelait Rainer, Première partie : « Comment cette histoire a commencé » « Les Clochers brûlés »
1994