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Andrée Chedid nait, le 20 mars 1920, dans une famille syro-libanaise au Caire. Elle suit des études de journalisme à l’université cairote et commence à écrire, en 1943, en anglais. En 1946, elle s’installe à Paris et adopte la nationalité française. Elle choisira alors l’écriture en langue française. Elle s’illustre dans différents genres : poèmes, romans, nouvelles, théâtre, essais. La condition humaine, les relations humaines, l’altérité et l’Orient sont les thèmes récurrents de son œuvre.

L’autre est un roman qui se passe dans un pays méditerranéen non identifié. Simm, un vieil homme, traverse, à l’aube, un village endormi en compagnie de son chien Bic. Il passe devant un hôtel sur la façade duquel apparait un jeune visage inconnu.


Andrée CHEDID https://www.franceculture.fr/emissions/voix-nue/andree-chedid-15-hommage https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i10023948/andree-chedid https://www.lumni.fr/programme/en-sortant-de-l-ecole-collection-andree-chedid
L’AUTRE https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i10022942/andree-chedid-l-autre

Le grondement venait des entrailles de la terre. Simm se sentit poussé entre les omoplates. La surface de la chaussée remuait comme de l’eau. Bic perdit pied, glissa vers l’arrière, disparut ; le vieil homme ne parvenait pas à se maintenir debout. Il tomba à quatre pattes, le sol se sauvant sous ses genoux. Épouvanté, il chercha la fenêtre des yeux.
La façade se contracte, ondule, se plisse autour de l’ouverture. Pris au piège, le jeune homme bascule à l’intérieur de sa cage.
Au loin, des morceaux de collines roulent vers la vallée. Au large, la mer, boursouflée, inquiétante, progresse en bouillonnant.
Ici, les murs oscillent, se séparent, interminablement. Arbres, poteaux se brisent dans un craquement infernal.
La poussière aveugle Simm, le prend à la gorge. Derrière un rideau de cendres, il aperçoit ce bras, de nouveau levé, mais qui ne complètera pas son geste. Ce visage, qui n’est plus que grimace. Cette bouche, qui n’est plus qu’un cri. Le vieil homme assiste, impuissant, à l’effondrement de toute la façade, à la chute du jeune inconnu aspiré par les fonds.
Une série de secousses succède au tremblement initial. La foudre s’est nichée dans le ventre des pierres pour les faire éclater. Une trépidation violente s’empare des murs. Des briques volent. L’une d’elles frappe Simm au front et le blesse.

Andrée Chedid
L’Autre, In chapitre 2, LA SECOUSSE 
1969