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Aurore Dupin est une romancière française du 19ème siècle. Elle adopte le pseudonyme masculin George Sand afin de publier ses écrits. Son œuvre colossale est riche et variée : romans (champêtres, historiques), contes, pièces de théâtre, articles politiques, correspondance dense et mémoires. Elle est connue pour son engagement féministe et sa vie privée tumultueuse lui a valu de nombreuses critiques. En 1873, quelques années avant sa mort, elle publie Impressions et souvenirs, ouvrage dans lequel elle recueille ses pensées sur la philosophie, la nature, l’art et son engagement.

Vingtième chapitre de l’ouvrage Impressions et souvenirs, « La Forêt de Fontainebleau » retrace l’engagement de George Sand pour la protection de la forêt de Fontainebleau menacée pour des raisons financières et économiques.


Reportage sur le rôle des forêts tropicales. https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/6114821_001_033/plateau-analyse-forets-tropicales-poumons-de-la-planete

Tout le monde a donc droit à la beauté et à la poésie de nos forêts, de celle-là particulièrement, qui est une des plus belles choses du monde, et la détruire serait, dans l’ordre moral, une spoliation, un attentat vraiment sauvage à ce droit de propriété intellectuelle qui fait de celui qui n’a rien que la vue des belles choses, l’égal, quelquefois le supérieur de celui qui les possède.
La rage de la possession individuelle doit avoir certaines limites que la nature a tracées. Arrivera-t-on à prétendre que l’atmosphère doit être partagée, vendue, accaparée par ceux qui auront les moyens de l’acheter ? Si cela pouvait se faire, voyez-vous d’ici chaque propriétaire balayant son coin de ciel, entassant les nuages chez son voisin, ou, selon son goût, les parquant chez lui et demandant une loi qui défende à l’homme sans argent de regarder l’or du couchant ou la splendeur fantastique des nuées chassées par la tempête ? J’espère que cet heureux temps ne viendra pas, mais je crois que la destruction des forêts est un rêve non moins monstrueux, et qu’on ne doit pas plus retirer les grands arbres du domaine public intellectuel que leurs influences salubres à l’hygiène publique. Ils sont aussi sacrés que les nuages fécondants avec lesquels ils entretiennent des communications incessantes ; ils doivent être protégés et respectés, ne jamais être livrés au caprice barbare ou au besoin égoïste de l’individu. Beaux et majestueux jusque dans leur décrépitude, ils appartiennent à nos descendants comme ils ont appartenu à nos ancêtres.

George Sand
Impressions et souvenirsChapitre XX La forêt de Fontainebleau (Protégeons nos forêts)
1873