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Simone Veil née Jacob est née le 13 juillet 1927 à Nice dans une famille juive non pratiquante. Sous l’Occupation, elle se procure de faux papiers et change son nom d’origine mais elle se fait tout de même arrêter avec sa famille en 1944. Elle est alors déportée dans différents camps dont Auschwitz et Bergen Belsen. Elle et ses deux sœurs sont les seules survivantes. A la fin de la guerre, elle débute des études de droit puis entre dans la magistrature comme haut fonctionnaire jusqu’à sa nomination comme ministre de la santé sous la présidence de Valery Giscard D’Estaing en mai 1974. Elle est à l’origine de la « loi Veil » promulguée le 17 janvier 1975 qui permet aux femmes d’avoir recours légalement à une interruption volontaire de grossesse (IVG). De 1972 à 1982, elle est la première présidente du parlement européen. En 1999, elle préside la fondation pour la mémoire de la Shoah et poursuit sa carrière politique jusqu’en 2007, date à laquelle elle publie son autobiographie qu’elle intitule Une Vie, titre emprunté à Maupassant pour « décrire un parcours qui ne doit rien à la fiction ». Un an plus tard, elle est élue à l’Académie Française. Décédée en 2017, elle entre au Panthéon avec son époux le 1er juillet 2018.

Après avoir raconté les circonstances de son arrestation à Nice, l'attente à Drancy et le départ avec sa sœur et sa mère, la narratrice raconte dans cet extrait leur arrivée au camp d’Auschwitz-Birkenau et leur incrédulité face à ce qu’elles sont en train de vivre.


Claude Lanzmann explique la différence entre camp de concentration et camp d’extermination ainsi que la signification du terme Shoah. https://enseignants.lumni.fr/?fiche-media=00000000506
À l’occasion de l’ouverture du Mémorial, Jacques Chirac rappelle la responsabilité de l’État français dans le génocide et l’importance de ne jamais oublier. https://enseignants.lumni.fr/?fiche-media=00000001018
Discours de Simone Veil, Présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, lors de la cérémonie du Panthéon en hommage aux Justes de France le 18 janvier 2007. https://www.fondationshoah.org/sites/default/files/2016-09/Discours_S-Veil_Hommage-Justes-Pantheon-2007.pdf

Nous avons marché avec les autres femmes, celles de la « bonne file », jusqu’à un bâtiment éloigné, en béton muni d’une seule fenêtre, où nous attendaient les « kapos » ; des brutes, même si c’étaient des déportées comme nous, et pas des SS. Elles hurlaient leurs ordres avec une telle agressivité que tout de suite, nous nous sommes demandé : « Qu’est-ce qui se passe ici ? » Elles nous pressaient sans ménagement : « Donnez-nous tout ce que vous avez, parce que de toute façon, vous ne garderez rien. » Nous avons tout donné, bijoux, montres, alliances. Avec nous se trouvait une amie de Nice arrêtée le même jour que moi. Elle conservait sur elle un petit flacon de parfum de Lanvin. Elle m’a dit : « On va nous le prendre. Mais moi, je ne veux pas le donner mon parfum. » Alors, à trois ou quatre filles, nous nous sommes aspergées de parfum ; notre dernier geste d’adolescentes coquettes.
Après cela, plus rien, pendant des heures, pas un mot, pas un mouvement jusqu’à la fin de la nuit, entassées dans le bâtiment. Celles qui avaient été séparées des leurs commençaient à s’inquiéter, se demandant où étaient passés leurs parents ou leurs enfants. Je me souviens qu’aux questions que certaines posaient les kapos montraient par la fenêtre la cheminée des crématoires et la fumée qui s’en échappait. Nous ne comprenions pas ; nous ne pouvions comprendre. Ce qui était en train de se produire à quelques dizaines de mètres de nous était si inimaginable que notre esprit était incapable de l’admettre. Dehors la cheminée des crématoires fumait sans cesse. Une odeur épouvantable se répandait partout.

Simone Veil
Une Vie, une jeunesse au temps de la ShoahChapitre 3, « L’Enfer » (L’Enfer)
2007